L'éducation des filles : une clé du développement social et économique
La Guinée possède diverses ressources minières (troisième producteur mondial de bauxite, utilisé pour la production de l’aluminium) dont certaines restent à exploiter. L’agriculture est favorisé par un climat propice. Lors de la conférence du 22 septembre dernier, Youssef Kiene Camara a fait observer que la Guinée était la seule colonie française à choisir l’indépendance complète en 1958, ce qui a conduit à une rupture nette des relations avec la France et un certain isolement économique par la suite. Malgré un potentiel de devéloppement économique, les perspectives ont été freinées par la corruption et le clientélisme dans la vie politique.
La déscolarisation touche davantage les filles
Bien que l’éducation élémentaire soit obligatoire en Guinée pendant 6 ans, environ la moitié des enfants ne fréquentent pas l’école car ils doivent participer au travail domestique ou agricole pour aider leurs familles dont un grand nombre vivent dans la pauvreté. Comme c’est le cas dans de nombreux autres pays, quand une famille ne peut scolariser qu’un seul de ses enfants, le choix se porte le plus souvent sur un des garçons pour leur permettre d’exercer un métier plus tard. La déscolarisation touche tout particulièrement les filles, qui très souvent n’imaginent pas elles-mêmes d’autre perspective d’avenir que le mariage.
Lors d’une consulation organisée par l’UNICEF avec des villageois à la suite de l’ouverture d’un nouveau centre de santé, les femmes ont exprimé deux souhaits pour l’amélioration des services publics : un meilleur accès à l’éducation et la fin des demandes de paiement illicites.
(Source : Julien Harneis, intervenant ONG et photographe dans les zones frontalières de la Guinée)
Le combat contre les mariages précoces en Afrique de l'Ouest
Pour autant que les coutumes patriarcales perdurent dans l’organisation de la vie quotidienne, surtout dans les régions rurales, les femmes ont une présence dans l’espace public, elles participent aux associations comme à la vie économique et politique. Elles ont donc les moyens de faire entendre leur voix.
En 2019 le gouvernement a légalisé la polygamie à condition d’obtenir l’accord de la première épouse. Cette loi reconnaît une réalité de fait et donne un statut civil aux épouses suivantes, mais sans empêcher la polygamie sans mariage civil, car la cérémonie religieuse suffit aux yeux d’une partie de la population.
Les lois visent également à prévenir le mariage précoce. Selon l’ONG Girls Not Brides (« Des jeunes filles, pas des mariées »), 17% des adolescentes sont mariées avant 15 ans et 47% avant 18 ans. Si le mariage précoce se pratique sur tous les continents, ces chiffres placent la Guinée parmi les 10 premiers pays concernés.
Les mariages précoces constituent un handicap pour le développement économique des pays concernés, notamment parce que la déscolarisation des filles a pour conséquence un taux d’illettrisme très élevé. Des ONG estiment que ces pays verraient leur économie progresser d’environ 25% si on permettait aux jeunes filles de poursuivre leur scolarité et d’exercer une activité professionnelle au lieu de devenir mères adolescentes sans moyen de gagner leur vie.
Le mariage précoce présente aussi un danger très réel pour la santé et la vie des adolescentes car les grossesses suivent rapidement. On constate non seulement des complications ou séquelles importantes, mais aussi des taux de mortalité maternelle et néonatale anormalement élevés pour les très jeunes mères et leurs bébés.
Aujourd’hui des jeunes femmes commencent à se mobiliser dans différents pays de l’Afrique de l’Ouest pour défendre leurs droits et empêcher les mariages forcés. Parmi les pionnières les plus connues en Guinée, Hadja Idrissa Hab avait commencé. encore adolescente, à alerter les autorités pour empêcher les mariages forcés. Elle a créé un Club des Jeunes Filles Leader à Conakry dont les membres participent aux interventions directes et peuvent accueillir sous leur toit des jeunes filles qui ont fui leur famille après l’empêchement du mariage. Aujourd’hui présentatrice médiatique reconnue, elle intervient à des forums internationaux sur la prévention des mariages forcés et mobilise l’opinion sur les réseaux sociaux.
Ces initiatives font écho à celles qui se répandent dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest pour sensibiliser l’opnion sur l’excision et les mariages précoces. Même si leur influence reste limitée en dehors des villes, les clubs de jeunes filles se répandent en Guinée et dans les pays voisins pour réclamer le respect de leurs droits.